Une journée de Ski à Pékin

Publié le par Sam

Un an déjà.
Il y a un an, j’étais sur les pistes de Yabuli, dans la Sibérie chinoise. Il y a un an, je découvrais le ski en Chine, et ses particularités. Entre autres, le grand nombre de débutants sur les pistes donne une atmosphère différente aux domaines skiables locaux ; plus propice aux collisions sur les pistes pour débutants ; plus calme sur les pistes adressées aux skieurs confirmés ; une attente aux remontées mécaniques inexistante.
Un an déjà.

 

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Alors je décide de me diriger à nouveau vers les pistes. J’innove. Je pars cette fois skier à proximité de Pékin, où se dressent plusieurs stations. Avant même d’acheter mes billets d’avion, je rêve déjà de chausser les skis. Shioup shioup shioup.

Imaginez une grande ville européenne. Moderne. Colorée. Vivante. Fourmillante. Pressée. Stressée. Une multitude de parcs, avec leur verdure et leurs plans d’eau, donnent l’illusion de s’échapper du monde du métro-boulot-dodo. Les lignes ferroviaires et aériennes donnent elles l’occasion de s’échapper de la ville. On peut de cette manière rapidement atteindre toutes les destinations imaginables, se dorer sur la plage, se chauffer les mollets au travers de jolies randonnées, se dépenser lors de descentes de rivières en canoë, redécouvrir notre héritage historique. Mais cela a un coût, en termes d’argent, et aussi en termes de temps.
Imaginez maintenant que, afin d’économiser du temps et d’économiser de l’argent, on vous amène ces destinations de loisirs en ville. La plage à Paris ? Ah si, elle est arrivée jusque dans notre capitale celle-ci. Mais à quand les pâturages à Marseille ? la forêt à Lyon ? la montagne au Mans ? les sports d’hiver à Nantes ?

Eh bien en termes de loisirs dans les grandes villes, les autorités locales chinoises ont des idées parfois différentes de ce que l’on trouve en France. D’abord il y a des pistes de ski indoor dans quelques grandes villes chinoises. Il y a aussi autour de la Capitale, accessibles via transport en commun, des stations outdoor construites sur des monts et des collines naturelles. À une heure et demie du centre-ville et pour le prix d’un ticket de métro se trouve le ski resort de Jundushan 军都山. L’un de ceux situés autour de Pékin.

 


Le trajet

 

Il y a deux raisons pour lesquelles j’ai choisi de skier à Pékin plutôt que partir dans les montagnes du Nord de la Chine. D’abord je veux voir à quoi ressemble une station si proche de la Capitale, dans une région où la neige ne tombe pas en quantité spécialement importante, dans une région à l’altitude discutable pour une station de ski. Ensuite, je fais de cette manière d’une pierre deux coups et je passe du temps avec mes amis de Pékin que je n’ai plus vus depuis trop longtemps déjà.

Donc vendredi soir, direction le karaoké. Nous sommes une petite quinzaine, des amis d’amis, à nous être retrouvés. La soirée est l’occasion pour moi de faire de nouvelles connaissances, de découvrir le jeu Action ou Vérité en Chine et de laisser aller mon âme d’artiste face au micro. (Non, ne grincez pas déjà des dents en vous bouchant les oreilles !)
La soirée s’anime. Tard au milieu de la nuit, nous quittons la salle témoin de nos extravagances, et nous nous séparons. Je pars vers l’auverge de jeunesse où une heure bien méritée de sommeil réparateur m’attend. Demain je skie. Shioup shioup shioup.

Le samedi matin, j’enfile de grandes chaussettes. Je prépare des gants épais et un bon bonnet dans les poches du blouson. Je prends un masque dans le sac à dos. J’enfile enfin ma combinaison de ski. Je suis prêt – prêt à prendre le métro.

À la sortie du métro, je retrouve deux amies qui viennent skier avec moi. Nous montons ensuite dans le bus de la ligne 21. Bus qui traverse des zones industrielles au Nord de Pékin. Usines et équipements électriques dessinent le paysage. Quelques champs cultivés devant lesquels nous passons entre deux zones industrielles font cependant varier ce paysage. Une heure plus tard, nous apercevons sur notre gauche une colline accoutrée d’une bande blanche. Orientée plein sud, isolée au milieu de versants rocailleux qui attendent impatiemment le retour de la verdure printanière, elle coule comme un torrent de la cime jusqu’à la vallée. Cette bande de neige semble venue d’un autre monde et cherche son identité au sein de cet environnement.
Le bus nous dépose. Il nous reste une quinzaine de minutes à parcourir à pieds avant d’atteindre la station. Nous payons le billet d’entrée, qui inclut l’entrée, la location des chaussures, des skis et le forfait. On y est ! Shioup shioup shioup.

 


La découverte du domaine skiable

 

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Le domaine de Jundushan a été inauguré en 2004. Tout y est bien organisé. Je m’adresse aux stands successifs, d’abord pour obtenir une clé de casier, puis pour essayer des chaussures de ski, et enfin pour récupérer skis et bâtons. On peut aussi y louer des combinaisons de ski. En quelques minutes, je me retrouve chaussures et skis aux pieds à la base de la station. Un télésiège à deux étapes s’élève devant moi. Dans un premier temps je laisse les filles ensemble sur les pistes pour débutants ; elles n’ont jamais appris à skier. De mon côté, je monte découvrir le haut de la station. Je ne m’arrête pas au milieu mais bien au deuxième stop de ce télésiège. Dix minutes plus tard, j’arrive en haut. Je jette à peine un coup d’œil autour de moi et garde mes yeux rivés sur cette piste à bosses. Shioup shioup shioup.

En ce début de matinée, la neige est glacée. Je m’inquiète un instant de l’entretien des cares de mes skis et prends peur pour mon postérieur. De toute façon, il va falloir y aller pour le savoir. Je lance mon poids dans la pente. J’entame un dérapage. Ça tient ! Virage dans l’autre sens. Dérapage. Ça tient encore ! C’est parfait, je suis parti pour bien me chauffer les mollets. Shioup shioup shioup.

Lors de cette première descente, je me retrouve les skis très écartés et le corps en arrière, la marque de fabrique de la reprise. Alors je reprends le même télésiège. Et je repars pour la même piste, avec comme objectif de me concentrer sur ma technique.

Alors qu’il est presque 10 heures, la neige est toujours glacée. Mais consistante d’un bloc ; il n’y a pas de glaçons qui entraînent à la chute. Étant donné l’orientation plein sud de la piste ainsi que les températures au-dessus de 0°C, cette neige passera par plusieurs états au fil de la journée. Plus tard le soleil joue son rôle et la ramollit. J’ai alors affaire à de la neige plus agréable pendant les dérapages. Ce n’est pas de la neige qui colle aux skis. L’adhérence est bonne, mais la sensation reste spéciale : la neige s’effrite au passage des skis. Il doit s’agir d’un manteau peu épais de neige artificielle.
Pourtant je ne vois pas de canons à neige. Il n’y a pas non plus de réservoir d’eau. Aucun signe d’une culture de neige artificielle au bord de la station. Peut-être utilisent-ils une nappe phréatique sous-terraine, et peut-être cachent-ils les canons derrière les tapis de protection orange ?

Cette piste à bosses est ma foi fort sympathique. Réservée aux skieurs avancés, elle offre de quoi se faire plaisir techniquement. Je la classerais piste rouge, étant données les bosses qui la parsèment. Après quelques descentes, je devrais me diriger vers les autres pistes, n’est-ce pas ? Eh bien le souci, c’est qu’il n’y en a pas d’autres…
Il y a certes d’autres surfaces recouvertes de neige. Mais j’aurais du mal à les qualifier de pistes. Je me dois d’ajouter la précision « pour débutants », sans quoi je risquerais de biaiser la vision que l’on se fait du domaine à la lecture de ma description. Il y a en effet à la base de la station quatre pistes pour débutants.
La plupart des skieurs découvrent ce sport, ils empruntent tire-fesses et tapis roulants pour monter les quelques mètres de dénivelé qui les séparent du haut de leur piste. Et ils se lancent. Certains avec des moniteurs. Certains seuls.

Je retrouve mes deux acolytes sur la piste numéro 4. Je monte à leur vitesse en patinant à côté du tapis roulant. Un fois arrivés en haut, je leur propose de les aider à maîtriser les virages. On ne parle pas encore de planter du bâton, on commence par le transfert de poids, qui résulte magiquement – ou presque – en un virage. Après de nombreux essais plutôt fructueux, elles progressent à vue d’œil.

Plus tard, je les laisse continuer seules, pour mieux repartir sur la piste quelques temps. La neige est déjà plus souple. Je descends à nouveau plusieurs fois. Shioup shioup shioup.
J’organise ma journée en alternant les descentes de la piste et l’improvisation dans le rôle de moniteur de ski pour débutants.

 


Les particularités

 

 jundushan-croix-rouge.jpgCette station est un dépaysement complet. À la fois par rapport à Shanghai, et aussi par rapport aux stations de ski que nous connaissons en France. Hormis la proximité du domaine à la ville, la quantité de pistes du domaine, et la population débutante, la différence réside aussi dans la présence de « la Croix Rouge ». J’estime à une vingtaine ou une trentaine les employés qui arborent une chasuble jaune sur laquelle se dresse une croix rouge. Leur rôle ? Sauveteur. Ils surveillent les incidents sur les pistes. Lorsque quelqu’un chute, il faut moins de trente secondes à celui posté le plus prêt pour rejoindre le malheureux. Il récupère les skis décrochés, les bâtons lâchés, et aide la victime à se relever. Ils ont tous la même technique pour relever le skieur. Dans le cas où les skis ne sont pas décrochés, le sauveteur se poste en aval du skieur au sol, un pied prend appui et l’autre est posé sur les skis. D’un coup de main, il tire le skieur pour le relever. Si tout va bien, il repart vers le bas de la station alors qu’un autre sauveteur a déjà pris sa place plus haut sur la piste.

En parlant de chutes, je dois aussi m’arrêter sur le décrochage des skis. À aucun moment on ne m’a demandé mon poids. On ne me l’avait d’ailleurs pas non plus demandé l’année dernière à Yabuli. Comment sont serrées les fixations alors ? Elles le sont peu. Peu, dans le sens où les fixations décrochent bien avant que le genou le fasse. C’est mieux pour les genoux que le contraire. Mais ça a comme conséquence que plus d’une chute sur deux entraîne le décrochage des skis, qui restent quelques mètres plus haut dans la neige. Je ne sais pas pourquoi ils ne prennent pas les quelques secondes nécessaires à ce réglage de fixations. Ils ont assez d’employés aux locations de matériel pour cela. Peut-être pensent-ils que c’est une sécurité supplémentaire pour les jambes des touristes…

La plupart des skieurs du domaine sont débutants et restent sur les quatre pistes du bas. Mais certains, et pas uniquement les employés du domaine, savent bien skier. J’ai pris le télésiège avec l’un d’eux. Je demande à ce jeune garçon s’il descend au milieu ou s’il va tout en haut. Il va tout en haut. Bien, allons-y. Descendus de notre siège, je commence par remettre mon sac à dos en place. J’écarte les dragonnes pour les enfiler correctement. Je positionne mon masque. Je me tourne ensuite vers la piste. Le jeune garçon lui n’a ni attendu, ni hésité. Il est parti directement au milieu des bosses, fort de sa bonne maîtrise du chasse-neige. Il est haut comme trois bosses et n’a peur de rien. Je lui avais demandé son âge sur le télésiège. Il fêtera bientôt ses six ans.

 

 

Mon Conseil

 

Clairement, je ne conseille pas aux skieurs avancés d’aller à Jundushan. Même si vous habitez Pékin. J’ai entendu parler d’autres stations plus grandes à moins de trois heures de Pékin, il vaut mieux tester celles-ci. L’intérêt ici réside essentiellement dans la découverte du ski.
Je conseille donc cette station aux débutants, ainsi qu’aux skieurs confirmés qui, armés de patience, accompagnent des débutants. Et la journée y sera très agréable !

Publié dans Mes aventures

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V
Bruno demande pourquoi tu n'es pas resté passer une nuit pour découvrir l'origine de la neige ...<br /> As-tu eu la réponse depuis?
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